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L'Ouest breton face à la transition énergétique - Article

Publié le 24.07.2025
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PUBLICATION ADEUPa

L'Ouest breton face à la transition énergétique - Article

De l'international au local : comment s'organise la transition énergétique ?

Face à l'urgence climatique, la transition énergétique s'impose comme un défi majeur de notre époque. Notre modèle énergétique actuel, largement dépendant des énergies fossiles, n'est plus soutenable. Pour réussir à changer de modèle la transformation doit s’opérer à tous les niveaux. De l'accord de Paris aux initiatives communales, comment peut-on décrypter les différents échelons d'action qui façonnent la transition énergétique dans l’ouest breton, un espace qui se veut pionnier en la matière ?

L'accord de Paris : une impulsion mondiale déterminante

L'année 2015 marque un tournant historique avec l'adoption de l'accord de Paris lors de la COP21. Pour la première fois, la communauté internationale se dote d'un cadre juridiquement contraignant pour lutter contre le changement climatique. L'objectif principal est ambitieux : contenir la hausse des températures mondiales « nettement en dessous de 2°C » par rapport à l'ère préindustrielle et, si possible, la limiter à 1,5°C. 

Pour y parvenir, les pays signataires doivent atteindre un équilibre entre émissions et absorptions de gaz à effet de serre (GES) dans la seconde moitié du XXIe siècle. Cet accord représente un changement de paradigme dans la gouvernance climatique internationale. Il abandonne l'approche "top-down" des accords précédents pour une approche "bottom-up", où chaque pays détermine sa contribution en fonction de ses capacités et de ses priorités nationales.

L'Europe : un cadre ambitieux qui respecte les souverainetés nationales

Dans ce contexte international, l'Union européenne (UE) joue un rôle moteur avec son paquet "Fit for 55", qui vise une réduction des émissions d'au moins 55 % d'ici 2030 par rapport à 1990. Toutefois, même si l’UE intervient largement dans le domaine de l’énergie par les politiques de sécurisation de l’approvisionnement énergétique ou l’interconnexion des réseaux, il n’existe pas à proprement parler de politique énergétique européenne. Les états membres conservent leur souveraineté sur leur mix énergétique et leurs sources d'approvisionnement. Cette flexibilité permet à chaque pays d'adapter sa transition énergétique à ses spécificités géographiques, économiques et sociales.

Le Livre vert européen de 2006 pose néanmoins des bases communes autour de trois objectifs fondamentaux : la durabilité environnementale, la compétitivité économique et la sécurité d'approvisionnement. Ces principes guident aujourd'hui encore l'action des États membres dans leur transition énergétique.

La France : déclinaison d’une stratégie nationale

Pour tenir ses engagements, la France a élaboré une stratégie française pour l'énergie et le climat (SFEC) qui vise la neutralité carbone d'ici 2050. Cette ambition s'appuie sur trois piliers complémentaires : 

  • la stratégie nationale bas carbone (SNBC) qui définit la trajectoire de réduction des émissions, 

  • les programmes pluriannuels de l'énergie (PPE) qui planifient l'évolution du système énergétique,

  • le plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC) qui prépare le pays aux impacts inévitables du changement climatique.

L’objectif de neutralité carbone s’entend comme l’atteinte de l’équilibre entre les émissions de GES et les absorptions (forêt, prairies, sols agricoles, zones humides…). Si l’augmentation du stockage peut permettre de contribuer à l’atteinte de l’équilibre, celui-ci n’est envisageable qu’au prix d’un effort réel porté sur la réduction des émissions, auxquelles le secteur de l’énergie contribue largement.

Depuis 2015, plusieurs lois majeures sont venues concrétiser ces orientations. La loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) fixe des objectifs ambitieux, comme la réduction de 50 % de la consommation énergétique finale d'ici 2050. La loi énergie-climat de 2019 renforce ces engagements en inscrivant l'objectif de neutralité carbone dans la loi et prévoit une programmation réactualisée tous les 5 ans des grands objectifs énergétiques du pays via des programmations pluriannuelles de l'énergie (PPE) successives.

Plus récemment, la loi climat et résilience (2021) traduit une partie des propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat, tandis que la loi d'accélération des énergies renouvelables (2022) vise à rattraper le retard français dans ce domaine.

2015
Loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV)

  • Fixe des objectifs concrets pour la réduction de la consommation d’énergie (réduire de 50 % de la consommation énergétique finale en 2050, et de 30 % la consommation d’énergies fossiles en 2030 par rapport à 2012) et l’augmentation de la part des énergies renouvelables (augmenter à 33 % la part de la consommation finale brute d’énergie en 2030).
  • Les mesures portent notamment sur la rénovation énergétique des bâtiments (rénover 500 000 logements par an à partir de 2017), la promotion des énergies renouvelables et l’incitation à l’achat des véhicules électriques et hybrides.

2019
Loi énergie-climat (LEC) 

  • Renforce les engagements de la LTECV en introduisant l’objectif de neutralité carbone pour 2050.
  • Ajuste les budgets carbone et les trajectoires d’émissions pour être en conformité avec la SNBC, assurant une cohérence entre les politiques énergétiques et climatiques.
  • Les objectifs énergétiques sont revus, plus ambitieux qu’en 2015, avec notamment une réduction de 40 % de la consommation d’énergie primaire fossile en 2030.

2021
Loi climat et résilience (2021) (LCR) 

  • Transpose une partie des propositions émises par la Convention citoyenne pour le climat.
  • Secteur résidentiel, notamment via l’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments en ciblant les passoires thermiques.
  • Du transport (interdiction des vols courts avec alternatives ferroviaires, etc.).
  • Production d’ENR en promouvant les toitures photovoltaïques sur les bâtiments ayant une surface de toit importante et les installations sur les parkings.

2022
Loi d’accélération de la production d’énergies renouvelables 

  • Introduit notamment la notion de zones d’accélération (ZAENR) qui visent à concentrer le développement des énergies renouvelables dans des zones sélectionnées par les communes où les procédures sont simplifiées.
  • Pose des obligations d’implantation de panneaux photovoltaïques sur ombrières sur les parcs de stationnement pour massifier la production d’énergie solaire.

Cette stratégie nationale déclinée réglementairement fixe les objectifs nationaux, qui ne sont, en l’état actuel, pas territorialisés. La territorialisation a été annoncée comme étant au cœur de la troisième PPE[1]. Cette nouvelle programmation a été initiée fin 2024 et adoptée par le Sénat le 8 juillet 2025. Elle devrait être réexaminée par l’Assemblée nationale fin septembre. En l’état, parmi les points saillant de la proposition de loi, il est possible de citer le relèvement des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) de 40 % à 50 % pour 2030 et la relance de la filière nucléaire. En attendant, c’est à l’échelle des régions qu’est réalisée la déclinaison locale des objectifs nationaux.

Une gouvernance énergétique régionale

La région Bretagne s'est positionnée comme cheffe de file de la transition énergétique. Cette mission s’incarne à travers l’élaboration de documents de planification et d’animation territoriale.

La planification régionale de l’énergie

Depuis 2016 et la Loi Notre (nouvelle organisation territoriale de la république), l’élaboration du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet) fait partie des missions des régions. Ce document intégrateur fixe les objectifs en matière d’équilibre et d’égalité des territoires. Il porte notamment sur l’aménagement (implantation des différentes infrastructures d’intérêt régional, désenclavement des territoires ruraux, habitat, gestion économe de l’espace) et la mobilité (intermodalité et développement des transports). En matière de climat, d’air et d’énergie, le Sraddet définit les objectifs en termes d’atténuation et d’adaptation au changement climatique, de lutte contre la pollution atmosphérique, de maîtrise des énergies et de développement des énergies renouvelables et de récupération. 

Le Sraddet breton inscrit l’objectif de diviser par 2 les émissions de GES d’ici 2040 par rapport à 2015. L’atteinte de cet objectif passe, à la fois, par une réduction importante des consommations énergétiques et une hausse significative de la production d’énergies renouvelables.

Ses objectifs s’imposent aux documents de planification (schéma de cohérence territoriale - SCoT, plan de déplacements urbains - PDU, plan climat-air-énergie territorial - PCAET).

Cette démarche se traduit par ailleurs par des initiatives sectorielles comme le pacte biogazier breton, qui structure le développement de la méthanisation, ou encore la feuille de route sur l'hydrogène renouvelable. La région investit également massivement dans le solaire photovoltaïque sur son patrimoine, avec un engagement budgétaire de 50 millions d'euros en 2023.

Animation et pilotage

La région est par ailleurs l’échelle de gouvernance retenue par la loi climat et résilience pour favoriser la concertation sur les questions relatives à l’énergie incarnée par les comités régionaux de l’énergie (CRE).

Le comité régional de l'énergie de bretagne, installé en novembre 2023, joue un rôle crucial dans la coordination des acteurs. Il rassemble 45 représentants qui peuvent émettre des avis formels sur les questions énergétiques impactant la région. Cette instance illustre la volonté de construire une gouvernance partagée de la transition énergétique.

La région est également un échelon de coordination d’études, de diffusion d’information et promotion d’actions en matière d’efficacité énergétique. À ce titre, la région Bretagne a mis en œuvre la démarche Breizh COP, directement inspirée des COP internationales, et fait partie des cinq structures, aux côtés de l’État, l’Ademe, l’OFB et l’Agence de l’eau Loire-Bretagne, qui alimentent l’initiative commune d’ambition climat bretagne, relai régional pour la transition climatique. Dans ce cadre, l’ADEME et la région financent notamment le réseau régional des plans climat. Animé par Breizh Alec, ce réseau de plus de 300 membres regroupe aujourd’hui l’ingénierie territoriale bretonne spécialisée sur la transition des secteurs climat-air-énergie avec une grande diversité de structures représentées (Agence locale de l’énergie, Syndicats Départementaux de l’énergie, chambres consulaires, collectivités, régions, PNR, agences d’urbanisme) et des structures étatiques (ADEME, Dreal). Le réseau régional des plans climat réunit plus de 300 membres et permet le partage d'expériences entre territoires.

Une mise en œuvre qui mobilise les échelons territoriaux et locaux

La transition énergétique se concrétise ensuite aux échelles plus locales, selon une organisation qui fait intervenir différents niveaux de collectivités. Les pays, échelle intermédiaire pertinente pour la planification énergétique, définissent les grandes orientations à travers leurs SCoT. Certains Pays conduisent également des études de planification énergétique et animent la mise en réseau des contrat d'objectifs territorial transition (COT) pour la transition écologique des collectivités. C’est notamment le cas dans le Pays de Brest via le pôle métropolitain.

Les intercommunalités jouent un rôle clé à travers leurs PCAET. Ces documents stratégiques définissent des actions concrètes pour réduire les consommations énergétiques, développer les énergies renouvelables, améliorer la qualité de l'air et adapter le territoire au changement climatique. 

Au niveau communal, les leviers d'action opérationnels sont nombreux : gestion du patrimoine bâti, éclairage public, flottes de véhicules, commande publique, aménagement des espaces publics, etc. Les communes sont également en première ligne pour la définition des zones d'accélération des énergies renouvelables, nouvel outil introduit par la loi Aper pour faciliter le développement des projets.

Les défis à venir : entre ambition et réalisme

Si le cadre d'action est bien établi, les objectifs restent extrêmement ambitieux et leur atteinte n'est pas garantie. La territorialisation des objectifs nationaux, annoncée comme prioritaire dans la prochaine PPE, constituera un enjeu majeur.

La capacité à maintenir la mobilisation de tous les acteurs sera également déterminante : le succès de la transition énergétique repose sur l'engagement des collectivités, mais aussi des entreprises, des associations et des citoyens. L'acceptabilité sociale des projets d'énergies renouvelables, le financement des investissements nécessaires, la formation aux nouveaux métiers de la transition énergétique sont autant de défis à relever.

La question du suivi et de l'évaluation des politiques mises en œuvre se pose également. Comment mesurer efficacement les progrès réalisés ? Comment ajuster les stratégies en fonction des résultats obtenus ? 

La transition énergétique dans l’Ouest breton illustre ainsi la complexité mais aussi la richesse d'une démarche qui, pour réussir, doit articuler différentes échelles d'action et mobiliser l'ensemble des acteurs du territoire. C'est un défi collectif qui nécessite une coordination fine et une volonté politique forte à tous les niveaux. Les prochaines années seront cruciales pour concrétiser les ambitions affichées et faire de l’ouest breton un territoire pilote de la transition énergétique.


[1] https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/documents/23242_Strategie-energie-climat_def2_0.pdf

 

Pour aller plus loin, consultez notre tableau de bord dynamique de l'Ouest breton face à la transition énergétique.

L'Ouest breton face à la transition énergétique
Type de document
Observatoire
Auteur(s)
Date de publication
2025/07
Titre de périodique
diffusion
grand public